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Sismicité Instrumentale en Auvergne

Les tremblements de terre en Auvergne

Une étude complète de la sismicité de l'Auvergne a été publiée dans le Bulletin de la Société Géologique de France [Dorel et al, 1995]. Nous présentons ici les résultats essentiels de cette étude.

Sismicité Générale

En Auvergne la première station sismologique a été installée en 1913 à l'Observatoire de Physique du globe de Clermont-Ferrand (OPGC). Mais il fallut attendre 1962 pour voir apparaître plusieurs stations dans le Massif central avec l'installation d'un premier réseau effectuée par le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA). A partir de 1981 un deuxième réseau fut mis en place par l'OPGC. Ainsi actuellement une bonne quinzaine de stations sont opérationnelles sur l'Auvergne et les régions limitrophes.

Une partie de ces stations est incluse dans le Réseau National de Surveillance Sismique (ReNaSS) dont les données sont centralisées au Bureau Central Sismologique Français (BCSF) situé à Strasbourg qui est chargé de l'étude de la sismicité de la France.

Depuis 1962 nous avons donc une bonne connaissance de la sismicité instrumentale de l'Auvergne. Nous présentons sur la carte de sismicité la position de tous les séismes dont la localisation a pu être faite pour la période 1962-1993. Près de 1900 épicentres sont reportés sur cette carte dont l'aire géographique est limitée en latitude entre 43°,8 N et 47°,6 N et en longitude entre 1°,3E et 5° E. Sur les dix dernières années nous localisons en moyenne 80 séismes par an. Trois séismes ont dépassé la magnitude 4, 110 séismes ont eu une magnitude entre 3 et 4 et plus de 1000 séismes ont une magnitude comprise entre 2 et 3. Tous les séismes de magnitude supérieure à 2 sont actuellement localisés.

Cette sismicité présente une distribution non uniforme. On observe une sismicité diffuse et relativement importante au nord-ouest de Clermont-Ferrand dans un quadrilatère formé par les villes de Clermont-Ferrand , La Souterraine, Châteauroux et Moulins. On remarquera d'ailleurs que c'est dans cette région qu'ont eu lieu les trois séismes de magnitude supérieure à 4 durant la période considérée. Une activité notable existe également dans la région de St-Flour, la région d'Ambert et dans les Monts Dore. Ailleurs l'activité est beaucoup plus faible et se manifeste par quelques épicentres isolés en particulier à l'ouest et au sud de Lyon, au nord du Puy, au nord-est de Montceau-les-Mines et du Creusot.

Sismicité de régions particulières

Région des Monts Dore

Cette région a été le lieu d'une activité relativement importante en 1980 et 1984 et dans une moindre mesure en 1982 et 1983. Les activités de 1980 et 1984 sont caractérisées par près de 80 séismes répartis respectivement sur 1 mois ( entre le 20 Mars et le 20 Avril 1980) et 4 jours ( du 9 au 12 Avril 1984). Plusieurs séismes de magnitude voisine de 3 seront observés lors de ces deux crises. Ces séismes se placent sur la bordure nord-est de la caldeira des Monts dore. La crise sismique du 21 Janvier 1983 est caractérisée par sa courte durée (environ 5 heures) et un nombre de séismes de l'ordre de 40 avec une magnitude maximum de 3,7. Les foyers se situent au sud-est d'Orcival à 14 km de profondeur. La faible crise sismique de 1982 se traduit par 5 séismes, localisés près de la zone épicentrale de 1980, dont 2 ont dépassé la magnitude 2 (2,3 et 2,1). On notera que cette même région fut le lieu d'un séisme ressenti le 4 Avril 1965 dans les villes de Mont Dore et du Chambon. A cette date le réseau sismologique était insuffisant pour localiser correctement cet événement.

Région de Saint-Flour

Cette région est le siège d'une activité sismique qui se présente soit sous forme d'épisodes sismiques en des points précis soit sous forme plus diffuse par des épicentres isolés.

Les points particulièrement actifs sont au nombre de trois :

Le premier groupe de séismes situé au nord-ouest de St-Flour s'est manifesté en particulier durant une époque récente entre 1991 et 1993 avec près de 250 séismes dont les magnitudes n'ont pas dépassé 3,5. La localisation de ces séismes est très précise ( erreur <1 km ) et tous sont concentrés dans un rayon de 2km autour du village de Coltines à moins d'une dizaine de km au nord-ouest de St-Flour. Toutes les profondeurs sont voisines de 6 km . Ces séismes se placent sur le prolongement supposé du fossé de St-Flour, sous la planèze. Ils pourraient donc être interprétés comme des rejeux du système de failles bordières méridionales du fossé. Compte tenu de la largeur de celui-ci la profondeur des séismes est en accord avec la rencontre des failles antithétiques. Ces séismes seraient donc le résultat de l'extension, encore active actuellement, du fossé de St-Flour. Cette activité est également suggérée par la présence de sources thermominérales carbogazeuses observées sur les bordures nord et sud du fossé.

Le deuxième groupe de séismes se situe au nord-est de St-Flour à mi-distance entre cette ville et Langeac. C'est en Août-Septembre 1986 que l'activité a été la plus notable avec 30 séismes enregistrés de magnitude inférieure à 3. Aucune faille apparente n'est visible. La profondeur des foyers est voisine de 9 km. Un peu plus à l'est, on note aussi quelques séismes au sud de Langeac.

Le troisième groupe de séismes est localisé au sud de St-Flour. Les foyers sont également à 6 km de profondeur. Ces séismes sont situés sur la bordure sud du graben de St-Flour et pourraient donc avoir la même origine que ceux de Coltines.

Région du Fossé d'Ambert

Cette région est caractérisée par un bassin d'effondrement oligocène. La sismicité bien localisée depuis 1987 montre que celle-ci se concentre sur la bordure ouest du bassin en trois régions bien délimitées: au nord-ouest d'Ambert , à l'ouest de Marsac et au nord-ouest d'Arlanc. Plusieurs essaims de séismes ont été observés dont les principaux sont en Octobre 1982, en Avril-Mai 1989 et le 11 Mars 1990. Outre ces essaims, on note des séismes isolés dans le temps. C'est ainsi que la région fut particulièrement active lors des années 1989 et 1990. La profondeur des foyers est comprise entre 10 et 12 km pour les séismes à l'ouest de Marsac et de 8 à 9 km pour les séismes au nord-ouest d'Ambert. La magnitude maximum atteinte pour ces séismes a été de 3,6 pour le séisme du 7 Février 1988 au nord-ouest d'Arlanc. On notera qu'un séisme à été fortement ressenti (degré V) le 23 Juin 1958 dont l'épicentre macrosismique se situait à l'ouest d'Ambert.

Les séismes de cette région pourraient être la conséquence du rejeu de failles hercyniennes de direction NO-SE, alors que les séismes à l'ouest de Marsac seraient plutôt à mettre en relation avec les anciennes failles oligocènes du bassin d'Ambert.

Région Nord-Ouest de Clermont-Ferrand

Au nord, la région de Cosne d'Allier située entre Montluçon et Moulins a été le lieu de plusieurs crises sismiques. Le 27 avril 1977 un séisme de magnitude 4,0 situé à 30 km au nord est de Montluçon près de Cosne d'Allier a été ressenti dans un rayon de 25 km autour de l'épicentre. L'intensité maximum a été de VI dans les villages de Bourbon l'Archambault de Meaulnes et de Theneuille où quelques dégâts ont été constatés. Près de 120 répliques ont été enregistrées dans les quinze jours qui ont suivi. Une activité sismique se manifestera encore dans cette région en Novembre 1984 ( 30 séismes) et en Janvier 1985 ( 40 séismes).

De même à 7 km au nord de la faille de la Marche et à 20 km au nord de la ville de Guéret une crise sismique a eu lieu le 22 Mai 1991 caractérisée par un séisme de magnitude 3,6 suivi d'une vingtaine de répliques dont l'origine serait le rejeu d'une faille d'orientation N125°-155° .

Plus au sud, de part et d'autre du Sillon Houiller et entre celui-ci et la faille de Tauves Aigueperse se trouve une des régions ( Combrailles) les plus actives à la fois par le nombre et la magnitude des séismes. On notera que cette sismicité n'est pas, pour l'essentiel, directement reliée aux deux failles majeures de cette région à l'exception d'un des séismes de magnitude 4 situé précisément sur le Sillon Houiller. Ce séisme est survenu le 7 Novembre 1982 et son épicentre se trouve dans la région Pionsat-Teilhet. La coïncidence de ce séisme avec un ouragan a fortement perturbé l'évaluation des courbes isoséistes, certains effets du séisme pouvant être attribués à la tempête et réciproquement. Ce séisme ne fut suivi que d'une seule réplique.

La plupart des séismes se placent sur des failles secondaires nombreuses dans cette région et leur distribution dans le temps est assez régulière. On observe peu d'essaims de séismes à deux exceptions près: l'une concerne la région de Volvic sur la bordure ouest de la Limagne à 20 Km au nord de Clermont-Ferrand, avec une vingtaine de séismes enregistrés le 26 Décembre 1984, l'autre se place sous le Puy Mercoeur situé à une dizaine de km au sud du Puy de Dôme avec 15 séismes observés les 26 et 27 Mai 1986. La profondeur des foyers est de 12 km. L'activité sous le Puy Mercoeur est la seule observée sous la chaîne des Puys.

Autres Régions

La sismicité des autres régions apparait comparativement beaucoup plus faible. Cependant il faut noter qu'une faible activité sismique est observée dans les régions suivantes:

- Au voisinage de la ville de Bort les Orgues.

- Sur le prolongement de la faille Tauves-Aigueperse, dans le bassin permien du Creusot et la région de Beaune. Cette activité serait en relation soit avec cette faille soit avec la fracturation de la bordure ouest du fossé d'effondrement de la Bresse.

- Au sud de la ville de Lyon. Ici il est difficile de mettre cette sismicité en relation avec des accidents géologiques visibles.

- Au centre du bassin de Limagne où on observe plusieurs épicentres au nord-est de Clermont-Ferrand, dans la région de Maringues en particulier. Certains de ces séismes se situent sur le prolongement de la faille Tauves-Aigueperse invisible en surface dans le bassin.

- Sur la bordure est du bassin de la Limagne entre Vichy et Moulins. Mais aucune sismicité n'est observée sur cette même bordure au sud de Vichy où pourtant eut lieu le dernier séisme important de magnitude supérieure à 4,5 en 1957.

- Dans le bassin de Brioude qui constitue le prolongement méridional de la Limagne.

- Dans le massif de l'Aubrac et particulièrement vers Chaudes-Aigues.

- Dans le Causse du Comtal, à 10 km au nord de Rodez où un séisme de magnitude 3,9 a eu lieu le 18 Avril 1974

On remarquera enfin que la sismicité est presque nulle sur les bordures sud et ouest du Massif central.

D'une façon générale, on constate donc que la sismicité instrumentale ainsi définie concerne principalement la partie la plus fracturée du Massif central. Cependant la correspondance entre sismicité et failles n'est pas à première vue évidente. Bien que l'on note par exemple des séismes sur le Sillon houiller ou sur la faille Tauves Aigueperse on remarque que l'ensemble de ces failles ne sont pas actives et beaucoup de séismes semblent liés à des accidents secondaires correspondant à des fractures plus récentes. Mais on peut aussi penser que la sismicité de ces grands accidents ne se manifeste que sous la forme de séismes importants donc très rares, probablement à l'échelle de plusieurs dizaines ou centaines d'années. Cette hypothèse serait appuyée par le fait que l'un des rares séismes de magnitude 4,0 durant les trente dernières années a été localisé sur le Sillon houiller.

On notera la quasi-absence de sismicité sous la plupart des massifs volcaniques (Cantal, Velay, Devès, Chaîne des Puys). Seule la région des Monts Dore a présenté une activité sur la bordure nord et est de la caldeira sans que cette activité puisse être mise en relation avec le volcanisme. Les caractéristiques des essaims de séismes observés sous les Monts Dore ou sur les fossés oligocènes ne présentent pas de différences fondamentales.

L'étude du mouvement des failles impliquées dans ces séismes montre que globalement le régime de contraintes tectoniques sur cette région est un régime distensif de direction OSO-ENE en accord avec les mesures in situ de contraintes et les données géologiques. Si on compare maintenant la sismicité que nous venons de décrire avec celle observée dans les autres régionsde France on constate que sur les trente dernières années l'énergie sismique libérée est de l'ordre du centième de celle libérée pendant la même période dans les Pyrénées. Il y a en France environ une vingtaine de séismes par an de magnitude supérieure à 3,5. Parmi ceux-ci un se trouve en Auvergne.

Sismicité Historique

Nous savons que la sismicité instrumentale basée sur une période de quelques dizaines d'années est tout à fait insuffisante pour représenter la sismicité d'une région peu sismique. En matière de sismicité, et pour les séismes majeurs, on définit un temps de récurrence qui est l'intervalle de temps, entre deux séismes successifs sur la même portion de faille, nécessaire à l'accumulation des contraintes pour aboutir à la rupture. Dans les régions les plus sismiques du globe ce temps peut être de quelques dizaines à quelques centaines d'années. Par contre dans les régions faiblement sismiques ce temps pourrait être de plusieurs centaines à plusieurs milliers d'années, d'où la nécessité de disposer d'archives les plus anciennes possibles pour définir ce temps de récurrence. Celui-ci doit s'accompagner d'une estimation de la magnitude et de la localisation des séismes potentiels. On comprend que la connaissance de cette récurrence soit fondamentale pour définir l'Aléa sismique qui sera pris en compte pour déterminer le risque sismique.

Dans le cas du Massif central, les archives les plus anciennes remontent au XVe siècle. On trouvera dans les études de Pelletier [1969] et Vogt [1979] une compilation des différents témoignages concernant les séismes historiques ressentis dans la région Auvergne. A partir de ces travaux, nous avons relevé les séismes qui ont été ressentis avec une intensité égale ou supérieure à V en prenant en compte les effets de ces séismes. La position approximative de ces séismes est indiquée sur la figure.

Le séisme le plus important est celui de 1490 qui malgré son ancienneté a donné lieu à des témoignages nombreux sur les dégâts qu'il a provoqués et qui attestent de son importance. La localisation est évidemment difficile à faire, compte tenu d'une forte hétérogénéité de la densité de population surtout concentrée dans quelques villes importantes. Il semble cependant que la région de Clermont-Ferrand soit celle qui fût la plus affectée. Une intensité de VII à VIII peut être estimée à partir des dégâts provoqués par ce séisme.

Le dernier séisme en Auvergne fortement ressenti ( Intensité VII ) fut celui du 25 Mars 1957 dont l'épicentre se situe dans la région de St Yorre- Randan à 10 km au sud de Vichy et dont la magnitude était voisine de 4,6.

L'examen de ces séismes montre que dans la région clermontoise une dizaine de séismes sur 5 siècles ont été de relative importance soit en moyenne un séisme tous les 50 ans mais de façon irrégulière. Celui de 1490 est le plus important. Avant l'an 1000, la seule information dont on dispose d'après Pelletier [1969] est celle rapportée par Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours qui indiquent un séisme "effrayant" en 542. Information trop vague pour être prise en considération.

On retiendra que la sismicité de l'Auvergne, bien que faible, présente cependant une activité non négligeable. La possibilité de séisme de magnitude 5 n'est pas à exclure et un tel séisme au voisinage d'une zone urbanisée aurait des conséquences notables. Cela justifie l'existence d'un réseau sismologique de surveillance qui, outre le contrôle de la sismicité tectonique, permettrait aussi de déceler toute reprise éventuelle d'une activité volcanique actuellement inexistante.

Bibliographie

Dorel J., Fourvel D., et Donnadieu G. (1995) Sismicité de l'Auvergne et des régions limitrophes. Bull. de la Soc. Géol. de France tome 166 n° 3.

Pelletier H. (1969) Notes historiques sur les séismes d'Auvergne. - Revue des Sciences naturelles d’Auvergne. 35, p23-32.

Vogt J. (1979) Les tremblements de terre en France. - Mem BRGM, 96.

 

     
   
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